Des Houris & des hommes Partie 1Par Dr Al ’AjamîLe Paradis, dont nous conviendrons, serait-il réduit à de
pauvres phantasmes ? Ne serait-il que satisfaction jamais épuisée des
sens et de la chair ? Plus encore, serait-il l’expression infinie des
déséquilibres et injustices d’ici-bas ? Ferait-il de l’homme cet
éternel dominateur, et de la femme son éternelle soumise ?! • Pendant que d’aucuns, ivres de pouvoirs, «
troussent des soubrettes » ici-bas, d’autres rêvent de déflorer à la chaine de jeunes vierges en l’Au-delà !
Le Paradis devient ainsi un immense lupanar pour priapiques, une
infinie orgie céleste entièrement dédiée au plaisir des sens ! Ceux qui
attentaient la contemplation de la « Face de Dieu » sont priés de
changer de lieu ! Toutes jeunes, toutes vierges, les Houris sont
condamnées à subir les assauts virils des bienheureux satyres et, pire
encore – l’imagination clinique de nos exégètes est ici sanglante – à se
voir nanties d’un hymen éternellement régénéré. Tout orgueil
méditerranéen bu, la défloration n’a jamais été un plaisir, ni pour
l’homme ni pour la femme. Ce passage initiatique primitif, ce marquage
archaïque des femelles fait-il sens pour un homme et une femme actuels ?
• Le Paradis, dont nous conviendrons tous qu’il est l’image
hyperbolique de la réalité, serait-il réduit à de pauvres phantasmes ?
Ne serait-il que satisfaction jamais épuisée des sens et de la chair ?
Plus encore, serait-il l’expression infinie des déséquilibres et
injustices d’ici-bas ? Ferait-il de l’homme c’est éternel dominateur, et
de la femme son éternelle soumise ?!
La condition de ces Houris du Paradis ne serait-elle alors que le
reflet idéalisé de celle des femmes ici-bas ! Il ne s’agit point pour
nous de grivoiserie exégétique, mais ces orientales gauloiseries
reflètent de notre point de vue l’iniquité des croyances sociales et la
connivence entre l’exégèse et les cultures des hommes. Le Coran
aurait-il vraiment magnifié la phallocratie ? Dieu serait-Il
phallocrate ? Ou bien seraient-ce les interprétations de la révélation
qui témoigneraient de ce travers masculin ?
Ces questions ne sont donc en rien déplacées, mais s’inscrivent dans
le droit fil de la série d’articles que nous avons publiée au sujet de
l’égalité plénière et foncière entre l’homme et la femme selon le
message coranique initial.
Ainsi, ce qui pourrait ne relever que de la psychologie, de
l’ethnographie ou de l’étude de mœurs, nous permettra-t-il, à nouveau,
de démystifier les herméneutiques, de démasquer les interprétations ;
entre nous et le Coran s’interposent le corps exégétique et ses nombreux
voiles. Précisons enfin que l’ensemble de cette étude ciblée ne prendra
pas en compte un autre aspect de la discussion : la signification
coranique des concepts Paradis et Enfer.[ii]
• Ensuite, comprendre le Coran est comprendre un texte,
linguistiquement cette démarche repose sur trois questions simples, mais
essentielles : – Quels sont les sens des mots ? Quel est le sens des
phrases impliquées ? Quel est contextuellement le sens voulu ?
Concernant notre sujet : 1– Quel est le sens du mot Houri ? 2– Quel est
le sens apparent des 4 versets concernés ? 3– Quelle signification
coranique en déduire ? Démarche cohérente qui, concernant le Coran, est
rendue délicate du fait des fort nombreuses sur-constructions ou
surinterprétations dont il est l’objet, mais ce constat a de positif
qu’il impose à qui veut comprendre le texte coranique de suivre des
voies de démonstration rigoureuses.
1 – Quel est le sens du mot Houri ?
Plus un terme est rendu évident par l’usage et moins il nous parait
nécessaire d’en examiner le sens, la magie des cercles herméneutiques
repose pour partie sur ce principe. D’une part, le mot [i]houri est passé en français ce qui n’est pas sans favoriser une certaine confusion lexicale et, d’autre part, le terme arabe
hûr est étymologiquement bien attesté ce qui rend encore possible d’en explorer les sens.
[iii] Il dérive de la racine verbale
hâr qui indique initialement l’idée de
revenir à l’origine.
Mouvement de retour qui fut par suite lié à l’idée de
pureté exactement comme l’idée de retour originel en français. De là, on qualifia ainsi un
blanc pur, puis par extension l’action de
blanchir par le lavage d’où le pluriel
hawâriyyûn qui signifie
blanchisseurs ou
lavandiers et
qui dans le Coran désigne les disciples de Jésus, probablement du fait
qu’ils pratiquèrent le baptême par immersion afin de purifier des
péchés, blanchir les cœurs. Ainsi,
hawar vint à désigner un
œil parfaitement blanc et, par contraste, à l’iris noir profond, l’œil de la gazelle, mais le sens général de ce mot connote toujours la notion de
pureté.
La forme superlative
ahwar qualifie donc celui ou
celle qui aurait de tels yeux ce que la culture arabe considère être un
critère de beauté. Le terme coranique
hûr est le pluriel de
ahwar, pluriel mixte qui désigne aussi bien des
femmes que des
hommes aux beaux yeux noirs, métonymie signifiant qu’ils sont d’une
beauté pure. De plus, sur les quatre mentions du mot
hûr dans le Coran, trois forment une expression composée :
hûr ‘în, où le mot
‘în, pluriel de
a‘yan et
‘aynâ’, qualifie déjà
celui qui a une grande prunelle noire de telle sorte qu’en cette expression coranique le mot
hûr connote préférentiellement la notion de
pureté. La traduction rigoureuse de l’expression
hûr‘în sera donc :
êtres purs aux yeux d’une grande beauté, et pour l’usage isolé de
hûr en
S55.V72uniquement :
des êtres purs.
Nous constaterons donc dès à présent que les traductions, ou les
images mentales que ce mot suscite en nos imaginaires, telles que
vierges célestes ou
vierges aux yeux noirs…
sont largement surinterprétées. De même, il est tout à fait incorrect
d’user dans les traductions du Coran de la forme francisée
houri[iv]puisque
ce serait transformer à tort un adjectif coranique en un nom propre et
que de plus la définition moyenne des dictionnaires en est :
vierge céleste d’une grande beauté promise par le Coran aux fidèles dans le Paradis d’Allah.
Nous le verrons, en dehors même de cette mainmise exégétique
lexicalement inacceptable, la réalité coranique est bien différente.
Par ailleurs, si le mot
hûr est mixte, il appert que dans le Coran il concerne des êtres féminins.
[v] En effet, en sourate
ar-Rahmân, après avoir expressément mentionné ce terme au
v72, il est explicitement et littéralement précisé à leur sujet : «
que n’ont déflorées auparavant[
qabla-hum]
ni homme ni djinn »
v74,
concernant sa signification exacte nous retrouverons plus avant ce
verset. S’agissant d’êtres féminins, il est alors tout fait possible de
traduire le mot
hûr, lorsqu’il est à l’état isolé, par l’adjectif «
Pures », nous lisons alors : «
Parmi elles, de nobles élues de vertueuse beauté – Mais quel bienfait de votre Seigneur nierez-vous donc ; vous deux ! – des Pures[hûrun], retirées[vi]sous les tentes. » S55.V72.Ceci étant acquis, à moins que d’y projeter les histoires brodées par l’exégèse, le sens du mot
hûr,
Pures, ou par conséquent celui de l’expression
hûr ‘în,
pures aux yeux d’une grande beauté,
ne nous indique pas la nature et la fonction de ces êtres féminins.
Pour les déterminer, deuxième étape, nous devons examiner les versets en
faisant mention.
2– Quel est le sens apparent des versets concernés ?Quatre versets mentionnent expressément les « houris » et fournissent
les lignes de sens principales, nous les étudierons prioritairement.
Quelques autres sont complémentaires, ils seront envisagés au point 3 de
notre analyse.
– Les deux premiers délivrent une même information : «
Ils seront accoudés sur des divans alignés et Nous les unirons à des Pures aux yeux d’une grande beauté [wa zawwajnâhum bi-hûri ‘în]. »
S52.V20,et : «
Ils revêtiront des habits de fine soie et de brocart, se faisant face ; ainsi, et Nous les unirons à des Pures aux yeux d’une grande beauté. » S44.V54.Ces deux versets sont sans ambigüité à condition d’en bien comprendre le sens du verbe
unir pour
zawwâja.
En effet, puisque nanti de la particule «
bi », [
bi-hûrin], ce verbe signifie uniquement
joindre deux choses ou deux personnes pour en faire une paire, un couple.De fait, le verbe
zawwâja prend le sens de
accoupler au sens du mariage seulement lorsqu’il est employé avec la préposition «
min », l’on imaginerait l’incongruité de la chose puisque Dieu est ici le sujet du verbe
zawwâja,
unir !
Aussi, en cette scène deux fois répétée, les « houris » ne sont-elles
donc que les compagnes des hôtes du Paradis et, plus encore, le verbe
zawwâja suppose qu’elles sont leurs équivalents ou symétriques, c'est-à-dire
elles aussi les hôtes du Paradis et non pas des créatures paradisiaques.
En conséquence, rien n’indique présentement qu’elles soient à la mâle
disposition des élus, bien au contraire.
– Le troisième verset est repéré en sourate «
ar-Rahmân », les « houris » y apparaissent isolées en leur superbe pureté : «
Parmi elles, de nobles élues de vertueuse beauté […]
des Pures[
hûrun]
, retirées sous les tentes. »,
S55.V70-72. Le terme «
élues »,
khaiyrât, attire notre attention, car le pluriel
khaiyrât est ici souvent traduit par
vertueuses ou
bonnes,
mais s’agissant de qualifier une créature du Paradis, soit cela ne fait
pas sens – le Paradis n’étant pas censé receler des êtres impurs et/ou
mauvais – soit il s’agit d’un truisme !
Or, la racine
khara d’où dérive l’adjectif
khaiyr [
khaiyrât en est le féminin pluriel] signifie
obtenir ce qui est bon,
favorable, mais aussi
surpasser en qualité,
choisir ce qui est de meilleur. Par ailleurs, l’Arabe utilise l’adjectif
khayr en lieu et place du superlatif
akhyar, de telle sorte qu’il n’y a aucune difficulté à comprendre que par
khaiyrât l’on puisse désigner les
femmes élues du Paradis, d’où notre «
élues ».
Le Coran fournit la preuve formelle de cette compréhension puisque le
v70 : «
Parmi elles, de nobles élues de vertueuse beauté » commence par «
Parmi elles [
fîhinna]», indication précieuse que les commentateurs et les traductions à leur suite occultent plus ou moins efficacement.
[vii] En effet,
fîhinna signifie littéralement «
en[
fî]
elles[
hinna] », c'est-à-dire «
parmi elles », le pronom
hinna qualifiant
préférentiellement le féminin pluriel d’êtres vivants. Mais, la
tradition exégétique a préféré considérer que ce pronom se réfère aux «
jardins » régulièrement mentionnés en sourate «
ar-Rahmân », d’où par exemple la traduction explicitée de M. Chiadmi : «
Deux Jardins habités par des houris aussi belles que vertueuses », traduction aussi loin du texte arabe qu’aventureuse.
[viii] En effet, si en théorie, en arabe ancien le pronom
hinna/
hunna peut être en lien avec un pluriel de choses et non pas d’êtres vivants, comme le Coran en témoigne par exemple en
S5.V120ou
S17.V44,
dans le contexte de cette sourate ceci est impossible, quoique
l’exégèse ait voulu le contraire. Tout d’abord, il est constamment fait
mention en cette sourate de «
deux jardins »,
jannatân, cas duel, et non pas «
de jardins » au pluriel,
jannât, et le pronom du cas duel est
humâ/
himâet non pas
hinna/
hunna.
De plus, et ceci lève toute ambiguïté grammaticale, en ce passage
coranique il est constamment usé du pronom du duel lorsqu’il s’agit de
désigner ce que contiennent les « deux jardins », ex : «
En lesquels[fîhimâ] coulent deux sources jaillissantes »,
v66 ; «
En lesquels[fîhimâ] il y a des fruits, des palmiers et des grenadiers »,
v68, etc. Mais, lorsqu’il est fait référence aux « houris » il est employé
fîhinna et non plus
fîhimâ,
et ce, à deux reprises, v70 et v56. Cette rigueur de construction
indique clairement que l’usage pronominal désigne ici des personnes et
non des objets, il n’y a alors qu’une seule signification possible pour
notre complexe pronominal : «
Parmi elles [fîhinna], de nobles élues… »,
v70, et «
Parmi elles[fîhinna], celles aux chastes regards… »,
v56.
Le sens est donc très différent de ce que la volonté exégétique classique impose puisque ces deux versets nous enseignent que
parmi des femmes du Paradis certaines sont ainsi hautement distinguées. Qui sont-elles ?
Le Coran le spécifie, et en cette même sourate il est dit au sujet de ces élues : «
La récompense de la vertu [alihsân]n’est-elle pas la perfection [al ihsân] ? »
v60.
Les traductions données de ce bref mais flamboyant verset sont assez
pauvres puisque bloquées par l’idée exégétique d’une prime à la houri
pour les heureux hommes du Paradis. On lit donc généralement : «
le bien [
alihsân]
n’est-il pas la récompense du bien [
alihsân]
? » ce qui signifierait que les houris, alors bien de consommation s’il en est, serait
de factola récompense des hommes de bien.
Mais, puisqu’il vient d’être dit que «
parmi elles »,
c'est-à-dire les femmes admises aux Paradis, il y avait des élues
élevées au rang de Houris, alors, logiquement, ce verset les concerne et
donne la raison expliquant cette élection. Par ailleurs, les sens du
mot
ihsân sont connus :
bien,
bonté, mais aussi
excellence,
perfection,
beauté morale.
Ainsi est-il dit que la récompense pour les femmes les plus
vertueuses d’ici-bas sera d’être élevées au rang de houris au Paradis,
c'est-à-dire de «
Pures », ce que nos traductions mettaient exactement en lumière : «
Parmi elles [les femmes du Paradis]
, celles aux chastes regards […]Parmi elles, de nobles élues […] La récompense de la vertu [alihsân]n’est-elle pas l’excellence [al ihsân] ? »
L’indication est précieuse : les Houris sont des femmes élues du
Paradis au même titre que certains hommes, c'est-à-dire en fonction de
l’élévation réelle de leur piété.
En fonction de l’analyse convergente de ces versets clefs, il apparait donc que par le mot
hûr, les
Pures, le Coran ne désigne pas une catégorie de créatures paradisiaques, mais qualifie
celles qui parmi les femmes vertueuses entrées au Paradis appartiennent à une certaine élite.
Ainsi, les retrouvons-nous en compagnie de leurs alter ego de la gent masculine en
S56, sourate considérée comme explicitant sourate «
ar-Rahmân »
[ix] : «
Ceux-là sont les Rapprochés, aux jardins de la Félicité,[…] sur des divans tressés, accoudés, se faisant face […] Et[là seront] des Pures aux yeux d’une grande beauté [hûrun ‘în]. » S56.V11-22.L’image est la même qu’en : «
Ils seront accoudés sur des divans alignéset Nous les unirons à des Pures aux yeux d’une grande beauté. »
S52.V20,et «
Ils revêtiront des habits de fine soie et de brocart, se faisant face ; ainsi, et Nous les unirons à des Pures aux yeux d’une grande beauté. » S44.V54, versets que nous avons précédemment expliqués.
Face à face,
unis par paires, il est clair que les
Pures sont l’équivalent féminin des
Rapprochés,
almuqarrabûn.
– Le quatrième et dernier verset mentionnant les « Houris » est une
des clefs de la fiction exégétique permettant de transmuter les plus
vertueuses des femmes admises au Paradis en créatures libidinales de
luxe. Nous venons de citer partiellement ce passage de
S56, nous le reprenons in extenso selon une ligne de traduction moyenne : «
Parmi eux[les rapprochés] circuleront des garçons éternels avec des coupes, des aiguières,et des verres d’une limpide boisson dont ils ne seront ni indisposés ni enivrés. De même [ils circuleront]avec
des fruits qu’ils choisiront et de la chair d’oiseaux qu’ils
désireront. Et “ils auront” des houris aux grands yeux telles des perles
cachées en récompense de ce qu’ils œuvrèrent. »
S56.V17-24. Ce type de traduction standardisée reflète parfaitement ce que l’exégèse a voulu : «
Et ils auront des Houris aux grands yeux telles des perles cachées en récompense de ce qu’ils œuvrèrent. »
Le message serait explicite, et parmi les plaisirs paradisiaques
proposés à la consommation, les heureux élus se verraient offrir des
Houris, il serait de plus précisé qu’il s’agira là d’une récompense, une
prime à la vertu en quelque sorte. Si tel était le propos coranique,
nous devrions nous incliner et accepter l’offre, contraints à trouver
des échappatoires symboliques si cet état de fornication édénique ne
correspondait pas à nos attentes spirituelles.
Mais, en réalité, le Coran est ici finement dévié. Comme bien
souvent, la démonstration, quoique grammaticale, et assez simple si l’on
veut bien lire le texte pour ce qu’il dit et non pour ce que nous
pensons qu’il devrait dire. En introduction de ce passage nous lisons
donc : «
circuleront des garçons éternels avec des coupes… » le «
avec » traduisant ici la préposition «
bi » de
bi-akwâbin :
avec des coupes. L’emploi de la préposition «
bi » impose que tous les termes qui seront sous sa dépendance grammaticale soient marqués par la désinence «
in », ex :
akwâbin.
Nous retrouvons donc logiquement ce fait grammatical concernant tout ce que ces serviteurs offrent aux élus :
ka’sin,
verres,
fâkihatin,
fruits,
lahmitayrin,
chair d’oiseaux, et si les « houris » faisaient partie de ces présents nous devrions lire
wa hûrin ‘înin, ce qui signifierait bien alors : «
et ils auront des houris aux grands yeux », la préposition
« bi » initiale pouvant effectivement être rendue par l’idée de possession : «
et ils auront », comme au demeurant les traductions et interprétations courantes nous le proposent.
Or, le texte coranique exact est :
wa hûrun ‘înun, l’absence de la désinence «
in »
indique formellement que les « houris » ne font pas partie des biens
proposés aux élus, et la présence de la marque du cas sujet «
un » [
hûrun ‘înun] signale qu’ici débute une phrase incidente dont le sens est mot-à-mot le suivant : «
et des “houris” aux grands yeux », ce qui se comprend comme signifiant : «
et [là seront] des“houris”aux grands yeux », c'est-à-dire qu’à l’instar des Rapprochés mentionnés au
vs 11-12de cette même sourate elles bénéficieront elles aussi de ce festin de Dieu.
[x]Reprenant notre traduction plus précise du terme
hûr, ce passage se comprend et se traduit alors comme suit : «
Ceux-là sont les Rapprochés, aux jardins de la Félicité.Parmi eux circuleront des garçons éternels avec des coupes, des aiguières […] Et[là seront] des Pures aux yeux d’une grande beauté. »
Rien ne permet donc littéralement de valider le viril projet exégétique
classiquement imposé au texte coranique. Le propos du Coran est de
signifier que les pieux parmi les croyants, hommes et femmes,
bénéficieront les uns comme les autres de la même félicité.
• L’on pourrait vouloir nous opposer que le Coran précise pourtant
que les « houris » sont la récompense des croyants puisque ce même
passage le mentionne explicitement : «
des houris aux grands yeux telles des perles cachées en récompense de ce qu’ils œuvrèrent »
v24.
Nonobstant qu’il faille être nanti d’une mentalité culturelle assez
archaïque pour ainsi considérer les choses, nous venons de démontrer
qu’il était parfaitement erroné d’affirmer que les « houris »
appartenaient à la liste des biens de consommation proposés par les
serviteurs du Paradis.
C’est donc que ce qui est donné en récompense vaut uniquement pour
l’ensemble des biens distribués précédemment par les serviteurs
édéniques, soit : «
circuleront des garçons éternels avec des coupes, des aiguières,et
des verres d’une limpide boisson dont ils ne seront ni indisposés ni
enivrés. De même des fruits qu’ils choisiront et de la chair d’oiseaux
qu’ils désireront »et ceci sera offert aussi bien aux vertueux qu’aux vertueuses, les «
Pures aux yeux d’une grande beauté ».
• Au final, ce premier volet d’étude aura permis de déterminer le sens du terme-clef «
hûri ». Cet adjectif n’est pas le nom propre de créatures célestes promises au dépucelage éternel, mais il signifie «
Pures », et le syntagme
hûrun ‘în se traduira par :
Pures aux yeux d’une grande beauté.
Par ailleurs, l’analyse littérale des quatre versets centraux aura montré que par le terme-concept
hûriil
était fait allusion à une élite parmi les croyantes, élite dont le
statut spirituel sera particulièrement élevé au Paradis, nous le
confirmerons par la suite. Conséquemment, l’existence d’une catégorie de
créatures particulières mises à disposition des hôtes du Paradis, « les
Houris », relève ni plus ni moins du phantasme exégétique. Comment en
ces conditions littérales comprendre que l’on ait pu dégrader ces
saintes élues du Paradis au rang de onsen geishas délurées?! C’est ce
que nous attacherons à décrypter au prochain article.
Notes:Cf. notamment sur Oumma : « [i]Égalité des hommes & des femmes3/3 » ; «
Frapper sa femme avec le Coran » 2/2 ; «
L’héritage dans le Coran » 3/3.
[ii] L’on peut consulter à ce sujet la question consacrée à ce sujet en notre ouvrage «
Que dit vraiment le Coran »
est l’étude des trois niveaux Paradis Enfer présentés dans le Coran. Le
cas présent cela ne modifie pas la problématique, quelle que soit
l’idée que l’on se fait du Paradis, il reste une image, une
représentation,
mathal, que nous ne pouvons établir
qu’à partir de notre interprétation des conceptions des réalités
d’ici-bas, nous ne sommes pas en capacité de produire du sens et des
images sans qu’elles soient instruites à partir de données formelles
issues de ce que nous concevons être notre réalité ou nos réalités.
[iii]N’en déplaise à un humoriste libanais, le Père Luxenberg, qui a confondre l’arabe et le syriaque a prétendu échanger nos «
houris » contre du «
raisin blanc », marché de dupe que nous ne saurions raisonnablement accepter !
[iv]Le
mot Houri n’existe pas réellement en arabe, il s’agit en réalité d’une
forme figée d’origine persane et bien évidemment postérieure au Coran.
Ce n’est donc que par convention que nous l’utiliserons en cet article.
[v]L’on
ne peut par conséquent défendre au-delà de sa valeur indicative la
thèse soutenue par Muhammad Asad quant à l’ambivalence sexuelle des
« houris » paradisiaques, signalons que son objectif était de vouloir
ainsi rétablir le déséquilibre institutionnalisé par l’exégèse
classique.
[vi]L’accord de
maqsûrâtun,
retiréesmarque effectivement un féminin pluriel de personnes. Rq : le participe
maqsûrâtun signifie
retiréesou
cloîtrées,
mais l’on est cependant difficilement cloîtré dans une tente.
Néanmoins, pour conserver l’image fantasmée, bien des traducteurs ont
forcé le sens de l’arabe
khiyâm et ont rendu ce terme qui ne peut que signifier
tentepar : «
pavillon » ou «
demeure ».
[vii]Je citerais M. Hamidullah : «
Partout, des houris, bonnes, belles » ; R. Blachère : «
Dans ces jardins seront des[vierges]
bonnes, belles » ; J. Berque : «
et dans tous il est de très bonnes et très belles » ; A. Kazimirski : «
là, il ya aura des vierges jeunes et belles ».
[viii]En ce type de traduction est rajouté au texte coranique le segment «
deux jardins », le verbe «
habiter » et le mot «
houris ».
[ix]Si l’on tient compte de la chronologie traditionnellement proposée,
S56est immédiatement antérieure à
S55, sourate «
ar-Rahmân » qui en constitue alors comme un résumé.
[x]Signalons, pour être tout à fait rigoureux, qu’il existe ici une «
variante de lecture »,
qirâ’a,
qui illustre à elle seule la mainmise de l’exégèse sur la transmission
du texte coranique, sujet épineux qui n’est guère connu du commun des
lecteurs. En effet, il est recensé selon la transmission de Hamza et
celle de al Kisâ’î la lecture
hûrin ‘înin. Nous constatons que la désinence en «
un »
qui rendait en réalité impossible de comprendre que les « houris »
faisaient partie des biens offerts aux hommes a été remplacée par la
désinence en «
in » qui place alors ces termes sous la dépendance de la préposition «
bi »
comme le reste des biens mentionnés en ces versets. Cette discrète et
subtile modification permet ainsi de faire dire au Coran exactement ce
que l’on voulait qu’il dise : les « houris » font partie des biens
consommables ! Nous aurons bien compris que l’on ne pouvait
raisonnablement pas attribuer au Prophète deux variantes de lectures
soutenant un point de vue radicalement opposé…