, mes cher soeurs et frère,
voici un très bon article traitant de ce sujet :
Quand Adam et Eve (sur eux soit la paix) mangèrent de l'arbre défendu ?Par
Anas • 12 fév, 2010 • Catégorie:
c.b - Croyances liées à l'homme,
d - Récits coraniques Adam a été créé (
cliquez ici). Les anges ont fait devant lui une prosternation de respect, conformément à l'ordre de Dieu, et Iblîs a été rejeté à cause de sa rébellion contre cet ordre divin (
cliquez ici) ; avant ou après cela, Dieu a enseigné à Adam les noms de toute chose (
cliquez ici).
Se déroule maintenant ce que Dieu relate ainsi :
"Et Nous dîmes : "O Adam, habitez, toi et ton épouse, le Paradis. Et mangez de (ce qui) s'y (trouve) en toute aisance ; et ne vous approchez même pas de cet arbre [= pour en manger quelque chose], sinon vous serez du nombre des injustes (zâlimîn)"" (Coran 2/35 ; un verset aux termes voisins est lisible en 7/19).
Dieu mit aussi en garde Adam contre Iblîs et sa volonté de les faire quitter, lui et son épouse, le Paradis :
"Nous dîmes alors : "O Adam, celui-ci [= Iblîs] est un ennemi pour toi et pour ton épouse. Qu'il ne provoque donc pas votre expulsion du Paradis, car alors tu seras malheureux ; tu as (de quoi) ne pas avoir faim en ce (Paradis) et ne pas être nu ; et tu as (de quoi) ne pas avoir soif en ce (Paradis) et ne pas être frappé de l'ardeur du soleil" (20/117-119).
Dieu relate ce qui se passa ensuite :
"Par la suite le Diable les fit glisser par rapport à l'(arbre)* et provoqua leur expulsion de ce en quoi ils se trouvaient" (2/36) * traduction d'après une des deux analyses syntaxiques possibles : voir
Bayân ul-qur'ân (
An-Nahw, en note de bas de page).
En effet, le Diable réussit à les faire manger le fruit défendu. Dieu commente ainsi ce que Adam et Eve firent :
"Et Adam désobéit (ainsi) à Son Pourvoyeur et se fourvoya alors" (20/121).
Dieu relate ce qu'Il leur dit alors :
"Et leur Pourvoyeur leur dit : "Ne vous avais-Je pas interdit cet arbre, et ne vous avais-Je pas dit que le Diable est pour vous un ennemi déclaré ?"" (Coran 7/22).
Cette action de Adam eut pour conséquence que lui et son épouse durent quitter le Paradis :
"Et Nous dîmes : "Descendez, les uns ennemis des autres. Et vous aurez sur la Terre un lieu de demeure et un profit jusqu'à un certain temps"" (Coran 2/36).
I) Quel était cet arbre dont Adam et Eve ne devaient pas manger le fruit ?
Le Coran ne le précise pas. Ce que l'on sait c'est qu'il s'agissait d'un arbre précis parmi tous les arbres du Paradis (ou d'une catégorie précise d'arbre parmi toutes les catégories d'arbres du Paradis :
Hâdi-l-arwâh, p. 74). Il ne s'agissait pas – comme on le trouve dans d'autres traditions religieuses – de l'Arbre de la Connaissance, auquel Adam et Eve auraient voulu accéder alors que Dieu le leur avait interdit. Au contraire, la capacité de découvrir, de prendre connaissance et d'assimiler cette connaissance nouvelle, cette capacité constitue une caractéristique de l'homme, qui lui accorde une valeur particulier, et Dieu l'a montré aux Anges (
cliquez ici).
L'interdiction consistait donc seulement en une limite imposée par Dieu aux deux premiers humains.
II) Quel était le Paradis dans lequel Adam et Eve se trouvaient-ils : le Paradis céleste, ou un paradis terrestre ?
Ce point fait l'objet d'avis divergents entre les ulémas (de l'orthodoxie sunnite même). Dans son livre
Hâdi-l-arwâh, Ibn ul-Qayyim a consacré plus de 20 pages à l'exposé de ces deux avis, avec les arguments et contre-arguments de chacun d'eux (pp. 52-75).
L'un des arguments des ulémas qui soutiennent que Adam et Eve habitaient alors un paradis, mais pas le Paradis qui est promis aux croyants après la mort, la résurrection et le jugement dernier, est justement que, comme nous l'avons vu au point précédent, Dieu avait communiqué à Adam et Eve une interdiction, une limite imposée à leur liberté. Or dans le Paradis de l'au-delà, il n'y a aucun interdit [parmi les choses qui relèvent de ce que la nature humaine primordiale (
fit'ra) considère licite] (
cf. Hâdi-l-arwâh, p. 68).
Cette question de la nature du paradis dans lequel Adam et Eve avaient été installés fait cependant l'objet de divergences, d'autres ulémas soutenant qu'il s'agissait bien du Paradis promis après le jugement dernier, et avancent eux aussi leurs arguments : par rapport à l'argument précédemment évoqué, ils ont aussi leur réponse (
cf. Hâdi-l-arwâh, p. 74).
III) Comment le Diable parvint-il à communiquer avec Adam et Eve, lui qui avait été expulsé du lieu où il se trouvait auparavant (Coran 7/13) (cliquez ici) ?
Cette question ne se pose que par rapport à l'avis qui dit que Adam et Eve se trouvaient dans le Paradis céleste ; sinon, les ulémas qui pensent qu'ils étaient dans un paradis terrestre ont vu là un autre argument en faveur de leur avis...
Les avis des Commentateurs sont divers par rapport à la question posée :
–
certains sont d'avis qu'Iblîs a réussi à venir parler à Adam et Eve face à face ; parmi tous ceux qui sont de cet avis, il en est qui pense que Iblîs est entré dans le Paradis, dissimulé par le serpent ;
–
d'autres sont d'avis qu'Iblîs n'est pas entré dans le Paradis mais qu'il s'est contenté de faire entrer, à distance, des suggestions dans le cœur de Adam et de Eve (ces deux avis sont visibles dans
Tafsîr ul-Qurtubî, 1/312-313).
Dieu dit qu'Iblîs fit à Adam et Eve des suggestions :
was'wassa est le nom d'action (
masdar) du verbe qui figure dans le texte coranique (Coran 7/20, 20/120)... Ceci peut s'appliquer à chacun des deux avis que nous venons de citer...
Adam a-t-il su que ces paroles – ou ces pensées – provenaient de Iblîs ? Cheikh Thânwî évoque les deux possibilités (
Bayân ul-qur'ân 1/24).
IV) L'action de Adam et Eve eut en fait deux conséquences :
Une première, qui se produisit immédiatement :
"Alors ils mangèrent de cet [arbre, ou des fruits de cet arbre] ; leurs parties intimes leur apparurent alors, et ils se mirent à les (recouvrir) en fixant des feuilles du Paradis" (20/121).
"Alors, lorsqu'ils eurent goûté de l'arbre, leurs parties intimes leur apparurent, et ils se mirent à les (recouvrir) en fixant des feuilles du Paradis" (7/22).
Ici il faut noter que regarder les parties intimes de son époux(se) (
an-nazar ilâ saw'at iz-zawj) est une chose, et se mettre entièrement nu (
at-ta'arrî) est autre chose. En effet, aucune de ces deux actions n'implique l'autre (car il peut arriver que quelqu'un regarde les parties intimes de son épouse sans que celle-ci soit entièrement nue, comme il peut arriver que quelqu'un soit entièrement nu mais que, étant seul, il n'y ait aucun humain qui puisse le voir) ; il est vrai cependant que toutes les deux sont autorisées en cas de besoin –
hâja – (comme par exemple les relations intimes ou le fait de se baigner, concernant le premier et le second faits).
Ce qui se passa alors c'est que les parties intimes de Adam et de Eve se retrouvèrent privées de ce qui, jusqu'à présent dans le Paradis, les dissimulait, et chacun se retrouva ainsi subitement nu devant l'autre. Or, selon un commentaire, avant cela, les parties intimes de chacun d'eux n'étaient visibles que de leur détenteur et pas de l'autre (
Tafsîr ul-Qurtubî, 1/177) ; selon un autre commentaire, avant cela, leurs parties intimes n'étaient pas visibles de leur détenteur non plus (
Rûh ul-ma'ânî 4/339 et
Bayân ul-qur'ân 4/7) ; ces deux commentaires
pourraient être compris comme signifiant qu'en temps normal ces parties restaient cachées par quelque chose de paradisiaque, même si leur détenteur pouvaient les découvrir en cas de besoin, et que c'est le fait de se retrouver tout d'un coup tout nu, sans besoin, devant l'autre, qui fut une humiliation. Certains ulémas disent ainsi que, quand il n'y en a aucun besoin,
hâja – comme faire ses besoins, faire sa toilette, avoir des relations intimes, se faire ausculter pour un problème d'ordre médical, etc. –, il est au moins contraire à la bienséance de laisser ses parties intimes découvertes, et ce même si on est complètement seul (
Mirqât ul-mafâtîh 6/200 ; voir quelque chose de voisin dans
Hujjat ullâh il-bâligha 2/336-337).
Si le Diable voulait que, par le fait de manger le fruit défendu, Adam et Eve soient expulsés du lieu paradisiaque dans lequel ils habitaient, le verset 7/20 montre que le fait que leur nudité leur apparaisse ne fut pas seulement un effet secondaire de leur acte ; ce fut aussi un objectif secondaire d'Iblîs : Dieu parle ainsi d'Iblîs :
"Le Diable leur fit des suggestions afin que ce qui était caché d'eux – leurs parties intimes – leur soit découvert" (7/20). Cheikh Thânwî écrit qu'il est possible de comprendre cette information comme signifiant qu'Iblîs veut nuire aux hommes par tous les moyens possibles, et par le fait de les rendre soudainement nus, il voulait humilier Adam et Eve, ceci constituant également un tort, fût-il moindre que celui de réussir à mettre fin à leur jouissance des bienfaits du Paradis (
Bayân ul-qur'ân 4/7, note de bas de page).
Une seconde conséquence : Dieu leur donna l'ordre de quitter le Paradis. Il dit :
"Par la suite le Diable les fit glisser par rapport à l'(arbre) et provoqua leur expulsion de ce en quoi ils se trouvaient. Et Nous dîmes : "Descendez, les uns ennemis des autres. Et vous aurez sur la Terre un lieu de demeure, et un profit jusqu'à un certain temps"" (Coran 2/36).
"Il dit : "Descendez, les uns ennemis des autres. Et vous aurez sur la Terre un lieu de demeure et un profit jusqu'à un certain temps." Il dit (aussi) : "Sur elle vous vivrez, sur elle vous mourrez, et d'elle on vous fera sortir [pour être jugés]"" (Coran 7/24-25).
V) Adam et Eve demandent pardon à Dieu, et Dieu leur accorde Son Pardon :
Dieu relate :
"Tous deux dirent : "O notre Pourvoyeur, nous avons fait du tort à nous-mêmes, et si Tu ne nous pardonnes pas et ne nous fais pas Miséricorde, nous serons très certainement du nombre des perdants"" (7/23).
Dieu relate :
"Adam reçut alors de son Pourvoyeur des paroles" (2/37) ; d'après un commentaire, ces paroles sont celles-là mêmes que Dieu nous a rapportées dans le verset coranique suscité.
Dieu leur accorda alors Son Pardon :
"Et Il agréa alors son repentir ; Il est, Lui, Celui qui accepte le repentir, le Miséricordieux" (2/37).Dans un autre verset encore, Dieu dit :
"Ensuite son Pourvoyeur le choisit ; Il accepta alors son repentir et (le) guida" (20/122).
VI) L'ordre de descendre du Ciel, ou du Paradis :
Dans la sourate 2, l'ordre de descendre est relaté en deux fois :
– une première fois faisant suite au récit du fait que le Diable les fit glisser, et introduit par la conjonction "
Et" (
"Et Nous dîmes : "Descendez ! Vous êtes les uns ennemis des autres. Vous aurez sur la Terre un lieu de demeure, et un profit jusqu'à un certain temps" : 2/36) ; le verset relatant cet ordre est suivi du verset que nous venons de voir :
"Puis Adam reçut de son Pourvoyeur des paroles, et alors Il agréa son repentir ; Il est, Lui, Celui qui accepte le repentir, le Miséricordieux" (2/37)" ;
– une seconde fois juste après ce verset, sans conjonction :
"Nous dîmes : "Descendez d(u Paradis / Ciel), tous. Si une guidance vient à vous de Ma part, alors celui qui suivra Ma guidance : pas de crainte sur eux ni ils ne seront attristés ; et ceux qui n'auront pas apporté foi et auront traité de mensonge Nos signes, eux seront les gens du feu ; ils y resteront éternels"" (Coran 2/38-39).
Par contre, dans la sourate 20, l'ordre de descendre est relaté en une seule fois, introduit sans conjonction, après la phrase
"Ensuite son Pourvoyeur le choisit ; Il accepta alors son repentir et (le) guida" (20/122) : cet ordre se lit ainsi :
"Il dit : "Descendez vous deux d(u Paradis / Ciel), tous ! Vous êtes les uns ennemis des autres. Si une guidance vient à vous de Ma part, alors celui qui suivra Ma guidance ne s'égarera pas ni ne sera malheureux ; et celui qui se sera détourné de Mon rappel [= cette guidance], celui-là aura une vie pleine de gêne, et le jour de la résurrection Nous le rassemblerons aveugle"" (Coran 20/123-124).
Cet ordre a-t-il été donné en deux fois ? D'après Cheikh Thânwî :
oui : une première fois juste après le fait d'avoir mangé le fruit défendu, et une seconde fois après avoir reçu le Pardon de Dieu (
Bayân ul-qur'ân 1/25).
VII) A qui s'adresse cette phrase :"Descendez vous deux d(u Paradis / Ciel), tous ! Vous êtes les uns ennemis des autres" (20/123) / "Descendez ! Vous êtes les uns ennemis des autres. Vous aurez sur la Terre un lieu de demeure, et un profit jusqu'à un certain temps" (2/36) ?
Il y a deux possibilités :
–
soit à Adam, Eve et Iblîs ; et c'est ce qui explique l'emploi
du pluriel dans le verbe "
Descendez", au verset
2/36 ; quant au verset
20/123, où le verbe "
Descendez" est
au duel, il s'adresse à Adam d'un côté et à Iblîs de l'autre, Eve étant incluse dans la première catégorie, celle de l'homme, avec Adam (
Hâdi-l-arwâh, p. 59) ; cet avis se marie avec celui qui dit que Adam et Eve étaient alors dans le Paradis céleste, et avec l'avis qui dit que Iblîs avait réussi à s'y introduire temporairement, bien qu'ayant été chassé du Ciel (voir plus haut, points
II et
III) ; quant à l'inimitié annoncée, elle concerne les humains et les démons (
Hâdi-l-arwâh, p. 59) ; certains y ajoutent même
le serpent, qui aurait introduit Iblîs dans le Paradis (comme relaté de certains commentateurs plus haut, au point
III), et dont les descendants sont ennemis des humains sur Terre (
Tafsîr ul-Qurtubî 1/319-320) ;
–
soit à Adam et Eve seulement ; et c'est ce qui explique l'emploi
du duel dans le verset
20/123 (
Bayân ul-qur'ân 1/24, note de bas de page) ; cependant, sont compris aussi les futurs descendants de ces premiers humains, jusqu'à la fin du monde, et c'est pourquoi
le pluriel a été employé au verset
2/36 ; c'est aussi des humains fils de Adam et de Eve que le verset parle quand il dit :
"Vous êtes les uns ennemis des autres" : en effet, la vie sur Terre est faite de telle sorte qu'elle crée des conflits d'intérêts entre de nombreux humains ; or c'est une cause d'affliction supplémentaire pour les parents que de savoir que leurs enfants ne s'entendront pas tous (
Bayân ul-qur'ân 1/24).
VIII) L'annonce de la venue de Messagers recevant la révélation divine pour servir de guidance aux enfants de Adam et Eve :
Juste après l'ordre qu'ils devaient descendre, Dieu affirma en effet à Adam et à Eve qu'Il leur enverrait une guidance, qu'il y aurait des gens qui la suivraient et iraient après la résurrection dans le Paradis, tandis que d'autres refuseraient de le faire et seraient ressuscités aveugles, puis envoyés dans la Géhenne.
"Nous dîmes : "Descendez d(u Paradis / Ciel), tous. Si une guidance vient à vous de Ma part, alors celui qui suivra Ma guidance : pas de crainte sur eux ni ils ne seront attristés ; et ceux qui n'auront pas apporté foi et auront traité de mensonge Nos signes, eux seront les gens du feu ; ils y resteront éternels"" (Coran 2/38-39).
"Il dit : "Descendez vous deux d(u Paradis / Ciel), tous ! Vous êtes les uns ennemis des autres. Si une guidance vient à vous de Ma part, alors celui qui suivra Ma guidance ne s'égarera pas ni ne sera malheureux ; et celui qui se sera détourné de Mon rappel [= cette guidance], celui-là aura une vie pleine de gêne, et le jour de la résurrection Nous le rassemblerons aveugle"" (Coran 20/123-124).
Par ailleurs on voit ici – puisqu'il s'agit de deux parties du même propos –que les destinataires de cette affirmation sont les mêmes que ceux de l'ordre "
Descendez !". La promesse de l'envoi de guidance peut dès lors s'adresser :
–
soit à la descendance de Adam et Eve seulement ; cela étayerait la seconde possibilité évoquée au point
VII : l'ordre de descendre présent dans les versets
2/36, 2/38 et 20/123 s'adressait, lui aussi, aux humains seulement ;
–
soit à la descendance de Adam et Eve, et à celle d'Iblîs ; ceci est possible d'après l'avis qui dit que tous les djinns sont des enfants d'Iblîs mais que les djinns croyants et vertueux ont désavoué leur père et ont choisi d'écouter et de suivre l'appel de Dieu (
cliquez ici).
IX) Comment se put-il que Adam et Eve suivent les suggestions d'Iblîs et mangent le fruit (ou toute autre partie) de cet arbre, eux à qui Dieu l'avait explicitement interdit ?
Si Iblîs leur avait dit : "Désobéissez à Dieu, faites ce qu'Il vous a interdit", jamais Adam et Eve ne l'aurait écouté. Iblîs est celui qui trompe l'homme en lui faisant miroiter des choses qui l'intéressent comme résultat de ce que Dieu a interdit…
Iblîs choisit donc de mentir à Adam et à Eve, et il leur promit, s'ils mangeaient le fruit défendu, la réalisation de choses dont il savait qu'elles font partie des rêves humains.
En tous cas
Iblîs dit à Adam, comme Dieu le relate :
"O Adam, t'indiquerai-je l'arbre de l'éternité et d'une royauté qui ne dépérit pas ?" (20/120).
Or, comme
Dieu l'a dit par ailleurs :
"Et Nous avions auparavant fait une recommandation à Adam, il oublia alors, et Nous ne trouvâmes pas chez lui de résolution ferme" (20/115) : dans ce verset il est dit que ce fut l'oubli qui entraîna Adam et Eve à manger de l'arbre défendu.
La question qui se pose ici est :
Qu'est-ce que Adam oublia donc (de même qu'Eve) suite à la suggestion du Diable lui faisant miroiter l'accès à l'éternité :
–
a) est-ce le fait même que manger de cet arbre avait été interdit par Dieu ?
–
b) ou est-ce que de cela ils s'en souvenaient, mais ce fut autre chose qu'ils oublièrent ?
La réponse pertinente ne peut pas correspondre à l'option
a), car Dieu relate par ailleurs que lorsque Iblîs suggéra à Adam et Eve de manger le fruit, il leur dit ceci :
"Votre Pourvoyeur ne vous a interdit cet arbre que pour que vous ne deveniez pas deux anges ou ne deveniez pas du nombre des éternels" (7/20). On voit bien ici qu'Iblîs leur a confirmé que Dieu leur avait bien interdit de manger de cet arbre, mais qu'ensuite il essaya de les tenter à le faire quand même.
Qu'est-ce que Adam a-t-il donc oublié ? Et comment Adam et Eve, bien que se souvenant que Dieu leur avait interdit de manger de l'arbre, l'ont quand même fait, avec l'espoir de devenir deux anges ou de devenir immortels, alors que d'une part certains ulémas pensent que Eve avait elle aussi la
nubuwwa (
cliquez ici) et que d'autre part les prophètes ne font pas de grand péché (
cliquez ici) ?
Par rapport à cette dernière question, il faut
déjà souligner que Dieu précise bien que c'est par tromperie ("
ghurûr") (Coran 7/22) que Iblîs amena Adam et Eve à faire ce que Dieu leur avait interdit ; et ce que Dieu relate de la discussion laisse à penser qu'Adam et Eve n'ont pas suivi Iblîs à sa première tentative (
Rûh ul-ma'ânî 4/341) ; en effet, il a dû faire serment (par Dieu) qu'il était pour eux
"quelqu'un qui veut du bien" /
"un conseiller sincère" (Coran 7/21).
Ensuite il y a les trois réponses suivantes qui sont possibles :
A) L'explication de Ibn Hazm : Adam et Eve ont cru qu'il ne s'agissait pas d'une interdiction, mais d'un caractère "légèrement déconseillé" (
mak'rûh tanzîhan), vu que l'impératif négatif est parfois interprété comme signifiant seulement un caractère "légèrement déconseillé" (
mak'rûh tanzîhan), quand il n'y a pas de menace de châtiment de la part de Dieu. Certes, Dieu leur avait aussi dit :
"sinon vous serez du nombre des injustes (zâlimîn)" (Coran 2/35 ; 7/19) ; mais le
zulm peut désigner le kufr, le péché grave, mais aussi parfois la simple chose légèrement déconseillée (
cliquez ici pour lire un autre cas semblable). Adam et Eve ont donc mangé de cet arbre tout en se souvenant que Dieu leur avait défendu de le faire, mais en pensant qu'ils ne faisaient alors rien d'interdit (vu que, cela n'étant que
makrûh tanzîhan, le faire demeurait autorisé (
jâ'ïz)) ; et en pensant que s'ils le faisaient, ils ne mériteraient aucune sanction de la part de Dieu, mais au contraire bénéficieraient de quelque chose de bien : ils deviendraient deux anges rapprochés, ou bénéficieraient pour l'éternité des bienfaits dans lesquels ils avaient été installés (voir le texte exact de Ibn Hazm in
Al-Muhallâ, 2/286-289).
Comme preuve de son interprétation, Ibn Hazm cite le verset 7/20 ; il écrit :
"La preuve de ce (que nous venons de dire) est ce que Dieu a spécifié, à savoir que Adam n'a mangé de l'arbre qu'après qu'Iblîs ait fait serment devant lui que l'impératif négatif employé par Dieu pour eux à propos d'en manger ne signifie pas une interdiction, et qu'ils ne mériteront aucune sanction mais au contraire la bonne récompense et l'éternité. Dieu relate qu'Iblîs leur dit : "Votre Pourvoyeur ne vous a interdit cet arbre que pour que vous ne deveniez pas deux anges ou ne deveniez pas du nombre des éternels" [7/20]" (
Al-Muhallâ 2/287) ; la citation de ce verset ne prouve ce que Ibn Hazm dit que si on suppose que le savant andalou interprète le texte de ce verset ainsi : "Votre Pourvoyeur ne vous pas a interdit cet arbre [mais vous l'a seulement déconseillé]. [Et si vous en mangez, vous ne mériterez aucune sanction] mais vous deviendrez deux anges, ou deviendrez éternels".
B) L'interprétation de Cheikh Thânwî : Voici la teneur de l'explication du Diable : "Si vous mangez de cet arbre vous deviendrez deux anges, ou vous serez éternels. Dieu vous avait, ô Adam et Eve, effectivement interdit d'en manger le fruit. Mais cela était dû au fait que ce qu'alors vous n'en aviez pas la capacité ; mais maintenant la situation a changé et vous en êtes devenus capables ;
kâna-l-hukmu ma'lûlan bi 'illa, wa qad irtafa'at" (
Bayân ul-qur'ân 1/23 ; 4/7). Et Adam n'a cru Iblîs qu'après que celui-ci eut fait serment devant lui, avec toutes sortes de procédés rhétoriques emphatiques (
ta'kîd) ; Adam ne pensait pas que quelqu'un puisse avoir l'effronterie de faire sciemment un faux serment par le Nom de Dieu. Il crut donc l'explication d'Iblîs (
Bayân ul-qur'ân 1/23).
C) L'interprétation de Ibn Taymiyya et de Ibn ul-Qayyim : Adam n'a cru Iblîs qu'après que celui-ci eut fait serment devant lui, avec toutes sortes de procédés rhétoriques emphatiques (
ta'kîd) ; Adam ne pensait pas que quelqu'un puisse avoir l'effronterie de faire sciemment un faux serment par le Nom de Dieu. Il crut donc l'explication d'Iblîs. Voici la teneur de celle-ci : "Si vous mangez de l'arbre défendu, toi et ton épouse ne serez pas expulsés du Paradis mais deviendrez au contraire deux anges, ou au moins deviendrez éternels."
Adam savait bien que Dieu leur avait, Lui, défendu de manger de cet arbre, mais le premier homme pensa que si le fait d'en manger renfermait bien une
mafsada – ce que montrait l'existence de l'interdiction –, la
maslaha de l'acquisition de la vie éternelle l'emportait sur cette
mafsada ; et il pensa que cette
mafsada engendrée par le fait d'avoir commis cet interdit, il pourrait par la suite la rattraper, par une présentation de sa motivation, ou par un repentir (
Mukhtassar as-sawâ'ïq il-mursala, p. 97 ; Ibn Muf'lih a relaté cette interprétation de Ibn Taymiyya : cité en note de bas de page).
Selon cette interprétation, Adam a donc pensé que l'action demeurait en soi interdite, mais que la
mafsada que l'interdit recelait était contrebalancée par la
maslaha – reconnue
shar'an – que l'action entraînerait : cette
maslaha était de devenir deux anges rapprochés de Dieu – c'était alors une
maslaha dîniyya mah'dha –, ou au moins d'avoir la garantie de ne jamais quitter ces bienfaits – ce qui constitue une
maslaha "dunyawiyya". Or Adam fit là une erreur d'interprétation (
ijtihâd). En effet, si ce genre d'évaluation (
muwâzana) existe en cas de
ta'ârudh al-mafsada wa-l-maslaha (encore appelé
ta'ârudh ul-hassanatayn wa-s-sayyi'atayn), il faut pour cela d'une part qu'il soit établi que la
maslaha soit réellement plus grande que la
mafsada que renferme en soi l'action faisant l'objet de l'interdit ; et d'autre part qu'il soit prouvé que cette action entraîne réellement cette
maslaha ; or, ici l'entraînement de cette
maslaha (devenir deux anges rapprochés de Dieu ou devenir éternels) par cette action (manger le fruit défendu) n'était fondé sur rien de concret hormis sur l'information d'Iblîs, l'ennemi.
On voit au travers de ces trois réponses que
le fait que Adam et Eve aient mangé le fruit défendu malgré que Dieu le leur avait interdit, cela fut la conséquence d'une erreur d'ijtihâd de leur part. Un savant en sciences islamiques (
'âlim) faisant une erreur d'interprétation reçoit une récompense auprès de Dieu (contre deux s'il parvient au résultat correct :
cliquez ici) ; cependant les prophètes sont d'une autre trempe, et certaines de leurs erreurs d'ijtihâd amènent certains reproches de la part de Dieu (
Al-Muhallâ, 2/288 ;
Tafsîr ul-Qurtubî 1/306 ; en p. 308 al-Qurtubî cite le célèbre propos de al-Junayd al-Baghdâdî :
"Hassanât ul-ab'râri : sayyi'ât ul-muqarrabîn" ; c'est-à-dire, bien sûr :
"Ba'dhu hassanât il-ab'râri : sayyi'ât ul-muqarrabîn" ; Ibn Taymiyya a aussi cité et approuvé ce propos, et l'a appliqué aux prophètes : MF 11/415).
Quant à ce que Adam et Eve oublièrent, ce fut que Dieu leur avait dit qu'Iblîs était un ennemi pour eux ; or l'ennemi de quelqu'un ne lui dit jamais ce qui est bien pour lui.
Dieu leur a ainsi reproché deux choses :
"Ne vous avais-Je pas interdit cet arbre, et ne vous avais-Je pas dit que le Diable est pour vous un ennemi déclaré ?" (Coran 7/22). Et en effet :
– le premier reproche de Dieu est dû au fait qu'Il leur avait strictement interdit de manger de cet arbre, et donc que [même si dans une certaine mesure l'interprétation de certains impératifs est en soi possible] ils auraient dû garder à l'esprit la stricte interdiction, avec la force des termes employés, ainsi que la menace qui y était assortie, concernant cet arbre : ceci les aurait amenés à ne pas relativiser cet impératif divin ;
– le second reproche est dû au fait que [même si en soi les interprétations des ordres divins sont dans une certaine mesure possibles] ils auraient dû ne pas oublier la mise en garde que Dieu leur avait adressée à propos de Iblîs, et donc ne pas croire en l'interprétation qu'il leur proposait, ni en son serment disant qu'il était pour eux sincère dans ses conseils.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).